Et vous, Comment vivrez-vous ? Livre jeunesse de 1937, un bon cadeau pour Noël

Vous recherchez un livre pour vos adolescents à offrir ce Noël ? Vous aimez les sujets un peu philosophiques et vous voulez avoir de quoi discuter lors de votre prochain repas en famille ? Et vous, comment vivrez-vous ? de Yoshino Genzaburô est le livre qu’il vous faut !

Quelques vers sortis de ma petite tête pour vous résumer cette pépite :

 Un oncle et son neveu
Se rencontrent tous les deux
 À travers des pensées couchées sur le papier
Déconstruire l'enfance et enrichir l'avenir
Voici la vie d'adulte, sa beauté et sa dureté
Fonder l'espoir sur la génération à venir
Toujours, avance et cherche la vérité .

Livre conçu pour la jeunesse japonaise des années 35-40, ce livre peut s’apparenter, d’une certaine manière, à notre conte philosophique Candide de Voltaire dans sa manière d’aborder l’apprentissage initiatique. Cependant, contrairement à un Candide (ou Voltaire) désabusé par le genre humain, Genzaburô réussit à puiser l’optimisme, l’espoir dans une réalité bien trop souvent cruelle.

Un jeune collégien japonais, “Coper”, fait face à différentes situations de la vie. Il fait part de ses observations et réflexions à son oncle qu’il affectionne tout particulièrement.

Deux points de vus se font face : D’un côté, celui d’un jeune garçon avec sa vision simple de jeune adolescent essayant de déchiffrer un monde complexe. de l’autre, celui de l’oncle qui ,dans un journal dédié à son neveu, développe avec ses yeux d’adulte, les réflexions de son jeune protégé. Parfois, il lui donne des éléments de réponse ou il choisit de le pousser à affuter ses idées à travers d’autres questionnements. Une relation bienveillante de “maître et élève”. Le maître, sous la figure de l’oncle, n’est pas un donneur de leçon mais plutôt un accompagnateur qui tente de conduire la jeune génération sur un chemin aux valeurs humanistes.

Un Contexte politique : entre montée du militarisme japonais et du fascisme occidental

Ce livre fait parti d’une collection de 16 tomes. Il en est le dernier volume publié en juillet 1937. Le contexte est important pour comprendre l’enjeu du livre.

L’armée japonaise est entrain d’envahir la Chine continentale. Le mois de juillet 1937 marquera le début des 8 ans de guerre sino-japonaise avec l‘incident du pont Marco-polo. On ajoute à tout ça un fascisme qui monte en puissance en Europe avec les deux chefs d’Etat, Hitler et Mussolini.

Dans ce climat politique tendu, l’écrivain japonais ,Yamamoto Yûzô , vit très mal la répression de la liberté de la parole et de la presse dans son pays. La littérature jeunesse devenant le seul espace encore plus ou moins libre, il décide d’écrire pour la jeunesse, son dernier espoir . Il veut leur transmettre sa foi en l’humanité et les valeurs qui sont chères à son cœur. Malheureusement, Yamamoto tombe gravement malade avant de commencer le dernier tome et confie cette tâche à son éditeur Yoshino Genzaburo.

Le Livre : Et Vous, comment vivrez-vous ? de Yoshino Genzaburô

Mon avis

Très agréablement surprise de cette petite pépite. Je vous l’accorde, le titre paraît très niais au premier abord. Cependant, pour un livre de jeunesse, il aborde des questionnements morales et philosophiques sur la condition humaine très avancés. Que ce soit le rapport entre les différentes classes sociales, celui entre producteur et consommateur, l’essence de la souffrance, l’ego, la douleur, l’amitié ou encore la question de l’héroïsme/succès.

Vivre comme un être humain, cela n’a de sens que si tous les hommes jusqu’au dernier vivent comme des êtres humains. Si certains sont laissés pour compte et vivent comme des animaux, alors l’humanité n’est qu’un mensonge. Tant que la société n’est pas équitable, elle n’est qu’un mensonge.

Yoshino Genzaburô

Pourtant écrit il y a plus de 85 ans, le livre est intemporel. Je n’ai pas du tout ressenti la différence d’époque. Pour un livre japonais, la barrière culturelle est, elle aussi, peu présente sauf quelques éléments contextuels mais les réflexions soulevées sont plus que d’actualité et universelles. J’aurai aimé avoir un oncle de cet envergure ou une figure similaire dans mon enfance pour m’aider à comprendre le monde qui m’entoure. La simplicité des mots en font un bijou facilement accessible.

🎄 Vous avez un adolescent, un neveu, une nièce, fils, fille ou autre qui aime lire et vous ne savez pas quoi lui offrir pour Noël ? Je vous recommande fortement ” Et vous, comment vivrez-vous?” de Yoshino Genzaburô comme cadeau de Noël. Grâce à la richesse des réflexions, c’est excellent pour créer du lien et en discuter autour d’un bon feu de cheminée cet hiver !

8 idées pour ton exploration

• Se détacher de notre vision géocentrique pour mieux comprendre une situation. Enfant, on se construit à partir de ce que l’on voit autour de nous. Recherchons plutôt une vision large, à la Copernic , plus “héliocentrée”.

• Aller chercher parfois dans les contraires de nos certitudes pour vraiment embrasser l’entièreté du sujet et se rapprocher d’une vérité. Je rajoute, pour compléter, les propos magiques d’Ocean Vuong 💬 : “Je ne peux pas savoir ce que Shakespeare ou autre ont voulu dire. Lire leurs œuvres m’a avant tout permis de découvrir un peu plus une part de moi-même . La clé de la vérité sur le monde, personne ne peut nous l’apprendre. elle se trouve déjà en nous. A nous de la trouver à travers nos expériences et de se poser constamment, sans tricher, si cela nous semble juste.”

• La valeur de l’humain ne se voit pas dans sa richesse matériel ou son statut social.

• Nous sommes tous indéniablement connectés les uns aux autres, qu’on le veuille ou non. Chaque chose qui nous entoure à une valeur, du crayon en bois de 3 cm au brocolis dans son assiette. Se rappeler que des centaines de personnes sont derrières, de l’extraction du matériel, de la production à la commercialisation du produit, rien n’est sans valeur et tout à droit à du respect. Une leçon que Gandhi a enseigné à son petit-fils de 12 ans, Arun Gandhi (son témoignage sur TEDx Talk Eng / Fr )

• ll y a les producteurs et les consommateurs professionnels. Dans quel camp te situes-tu ?

• Vouloir accomplir de grandes choses est admirable. Seulement, dans quel but ? posons-nous la question si ceux que nous admirons ont vraiment contribué à faire avancer l’humanité ou ont-ils seulement accompli de grandes choses pour leur ambition personnel ?

• Etre courageux sans bonnes intentions peut se relever dangereux mais être rempli de sagesse, de gentillesse sans courage ne te mènera pas bien loin. Comme le dit si bien Annie F. Downs : “Sois avisé et Sois Courageux”, l’un sans l’autre ne font pas sens.

• La douleur et la souffrance sont des besoins essentiels pour notre condition humaine. Elles servent à nous faire comprendre ce qui ne va pas, que nous ne sommes pas alignés. Certains regrets ou souvenirs douloureux nous permettent d’agir correctement par la suite car l’unicité de chaque évènement est ce qui nous pousse à faire mieux que la fois précédente.

Quelques citations 📝

– Dès que des question d’intérêt entrent en jeu, il est très difficile de se mettre soi-même à distance avant d’émettre un jugement. Malheureusement, tout comme l’homme ne peut rien connaître des vérités de l’univers tant qu’il se cramponne à l’idée que la Terre occupe le centre du monde, juger des choses selon un point de vue égoïste empêche de saisir les vérités de la société humaine.

– Si tu triches avec toi-même, tu auras beau penser des choses grandioses et impressionnantes, tu auras beau les affirmer avec force, ce ne seront que des mensonges.

– Il faut toujours se méfier des choses évidentes. On croit qu’on a tout compris, que c’est tellement bête qu’il n’y a pas à y revenir, qu’on arrivera toujours à la même conclusion banale. Eh bien, non ! ça ne marche pas toujours comme ça, et parfois, ça vaut le coup de renverser les idées reçues.

– Quand tu as la chance d’être privilégiés, développe tes talents, fortifie tes capacités et mets-toi au service de la société tout entière.

– Nous semblons n’avoir aucun contact les uns avec les autres, en réalité nous sommes reliés, de façon indéfectible par les mailles du réseau. C’est pourquoi se serait une faute morale de nous concentrer uniquement sur notre bonheur sans nous préoccuper de celui des autres.

– N’oublie jamais cette distinction entre les producteurs et les consommateurs. Et tu verras que ces types qui se donnent des airs importants au volant de leur automobile, ou qui vivent dans des résidences somptueuses, sont très souvent des individus sans valeur. Et inversement, que des gens qui sont généralement méprisés ou regardés de haut méritent le respect et la reconnaissance de tous.

– De tous ceux que l’on appelle héros, les seuls qui méritent notre respect sont ceux dont les actions ont contribué à l’avancement de l’humanité. Et les seules entreprises de réelle valeur sont celles qui vont dans le sens de cette évolution humanité. L’esprit héroïque, s’il n’est pas attaché au progrès de l’humanité, n’est qu’une bulle vide, mais la bonté sans âme héroïque l’est bien souvent aussi.